« Je vois la guerre dans leurs yeux », une médecin généraliste propose des consultations en Russe et Polonais aux familles ukrainiennes

Dès les premiers jours de la guerre en Ukraine, le 3 mars dernier, une médecin généraliste de Moselle, s’est proposée pour des consultations en Polonais et en russe pour les réfugiés ukrainiens. Elle témoigne de ces rencontres.

 « Je suis médecin généraliste, installée à St Privat la Montagne (57) Je parle le Polonais, Anglais et j’ai quelques notions de Russe. Si des réfugiés ont des besoins de santé, je pourrais peut-être les comprendre« .

Ces mots, postés le 03 mars 2022,dès les premiers jours de la guerre en Ukraine sur la page Facebook de l’association Echanges Lorraine Ukraine (ELU) sont ceux du docteur Christine Lefebvre-Kaczmarz, médecin depuis 30 ans. Elle exerce à la maison médicale de Saint-Privat-la-Montagne en Moselle.

 

« Avec mon Polonais et mon Russe, on arrive à se comprendre. »

Docteur Christine Lefebvre-KaczmarzChristine Lefebvre-Kaczmarz

« Mon père était polonais. Il a vécu à 100 km de la frontière. Je parle Polonais. J’ai aussi fait cinq années de Russe au lycée. Avec mon Polonais et mon Russe, on arrive à se comprendre. J’ai plus de facilité à comprendre les Ukrainiens qu’à m’exprimer« . Elle a déjà reçu en consultation plusieurs familles. Et a créé un motif de consultation spécifique sur la plateforme de prise de rendez-vous Doctolib.

« J’ai eu l’impression de toucher la guerre. C’est très difficile à décrire. »

Docteur Christine Lefebvre-Kaczmarz

 

Elle est très éprouvée par les premières consultations : « Quand j’ai reçu la première famille, arrivée la veille en Moselle, j’ai vu la guerre dans leurs yeux. J’en ai les larmes aux yeux, juste de l’évoquer. Il y avait un adolescent de 16 ans et une jeune fille de 19 ans, j’ai vu la peur. J’ai eu l’impression de toucher la guerre. C’est très difficile à décrire. J’ai revu la maman et la jeune fille, ces derniers jours. La jeune fille est toujours en état de choc, terrorisée. La maman s’est intégrée. Elle a trouvé un travail. Elle est apaisée, tout comme la grand-mère. Le fils va aller au lycée« .

Dans une autre famille, l’adolescente de 16 ans était très agitée lors de la consultation. « Elle essayait de me faire comprendre des choses en ponctuant ses phrases de « Boum ! Boum ! Boum ! C’était terrible. J’ai vu une enfant de six ans avec sa maman, elle ne présentait aucun signe visible d’angoisse le temps de la consultation du moins. La jeune fille de 19 ans a été orientée par le médecin vers une consultation microkinésithérapie, car elle n’était pas capable de parler ».

A Metz, une prise en charge médicale et psychologique

Il faudrait aussi envisager un accompagnement par des psychologues. Mais comment franchir la barrière de la langue. Il existe à Metz au moins un lieu où les réfugiés ukrainiens peuvent trouver cette aide psychologique dans leur langue. La Communauté Professionnelle Territoriale de Santé Metz et Environs – Coordination locale de la santé et amélioration de l’accès aux soins (CPTS) propose une prise en charge médicale et psychologique.

 

« Le Russe m’est revenu très rapidement. »

Docteur Christine Lefebvre-Kaczmarz

Christine a réussi à récupérer des photos du carnet de vaccination des enfants, en particulier grâce à des personnes en Ukraine qui ont pu aller au domicile des réfugiés. « Ils sont en cyrillique. J’arrive à deviner ce qui est inscrit. J’ai progressé à une vitesse folle. Le Russe m’est revenu très rapidement. Cinq années de Russe au lycée, il m’en reste assez finalement« .

La prise en charge de tous les frais, liés aux soins, est accompagnée par les caisses d’assurance maladie, comme le prévoit le dispositif mis en place par l’Etat. « Pour tout ce qui est administratif, un de mes collègues, le docteur Jean-Daniel Gradeler, a obtenu les documents par la CPTS de Metz. Un des documents est traduit en Ukrainien pour toutes les démarches administratives ».

Sa  toute première action a été de répondre à un appel lancé par des collègues ophtalmologues de Metz, qui elles-mêmes relayaient un appel de la diaspora polonaise au Luxembourg pour récolter des médicaments importants qui figuraient sur une liste.
« Elles m’ont envoyé cette liste qu’il fallait traduire. On a acheté le nécessaire et plusieurs pharmacies ont complété avec des dons. Le tout a pris le départ du Luxembourg, pour aller au plus près des lieux de combat en Ukraine ».

« La Pologne fait un gros effort social. »

Docteur Christine Lefebvre-Kaczmarz

« J’ai des contacts en Pologne. Apparemment, cela se passe très bien aussi. Il y a une belle prise en charge de ces familles de réfugiés. Les enfants sont scolarisés. Il y a une aide au logement. La Pologne fait un gros effort social. Les personnes qui ont transité par la Pologne ont droit à une prise en charge médicale. Une de mes patientes est arrivée avec son ordonnance d’Ukraine. Elle a eu une prescription en Pologne, pour éviter la rupture de traitement. C’est une prise en charge équivalente à la nôtre« .

Quand je discutais avec mes patients polonais dans la période qui a précédé cette guerre, ils me disaient que cette invasion était imminente et que les médias polonais en parlaient beaucoup plus qu’en France.

Docteur Christine Lefebvre-Kaczmarz

« Je suis profondément touchée et blessée par cette guerre. J’ai du sang slave qui coule dans mes veines. Je pense beaucoup à mon papa. Quand je discutais avec mes patients polonais dans la période qui a précédé cette guerre, ils me disaient que cette invasion était imminente et que les médias polonais en parlaient beaucoup plus qu’en France au même moment. Ils étaient en alerte et ils avaient raison ».

Christine Lefebvre Kaczmarz veut continuer à apporter sa « petite goutte d’eau« .
« S’ils ont besoin, je suis là. Toutes les familles, que j’ai vues, ont leur propre logement désormais. Elles avancent« .

D’autres initiatives de ce type sont proposées dans le Grand Est. À Strasbourg, la communauté professionnelle territoriale de santé nord a mis en place un numéro de téléphone unique. Pour permettre aux réfugiés ukrainiens de trouver rapidement des rendez-vous médicaux : 03 67 47 07 12.

Source :  France 3 Grand Est – Malika Boudiba